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Histoire de la Guadeloupe

L’histoire géologique de la Guadeloupe et des caraïbes est passionnante, mais je ne détaillerai pas cela ici (il faut bien que j’en garde pour le jour ou vous viendrez me rendre visite !). Je vais plutôt me focaliser sur  l’Histoire guadeloupéenne à partir des premiers peuplements humains, avec en filigrane les effets sur la faune et la flore de l’île.
 
La période précolombienne
En raison de la grande complexité de cette période et du peu de matériel archéologique dont on dispose, il est très difficile d’obtenir des informations exemptes de toute remise en question sur cette période, les différentes sources donnant des chronologies d’événements nettement divergentes.
Lithographie représentant des indiens Arawaks. Source : Tropenmuseum
Certaines sources font remonter la première occupation humaine de la Guadeloupe vers 3500 av. J.-C., mais c’est entre 200 et 700 apr. J.-C. qu’arrivent les Arawaks, peuple sédentaire originaire du delta de l’Orénoque (actuel Venezuela) voué essentiellement aux travaux agricoles et à la pêche. Il faut préciser que les Arawaks ne sont pas une tribu, mais un groupe de tribus (dont les Tainos font partie, par exemple) qui occupaient une zone immense, allant de l’Amazonie à la Floride en passant par les contreforts des Andes et…les Antilles. Ils avaient une culture raffinée, avec notamment un artisanat bien développé (poteries et roches gravées). Bien qu’étant de redoutables commerçants, il semble que les Arawaks vivaient en parfaite harmonie avec la nature, s’excusant et remerciant pour leur viande les animaux qu'ils tuaient, par exemple.
Vers le VIIIème siècle les Caraïbes, tribu guerrière originaires du bassin de l’Amazone, colonisent l’ensemble des Antilles, repoussant les Arawaks vers le nord. Les Caraïbes avaient des mœurs anthropophages (le mot cannibale vient de carib ou caribal), mais la thèse du massacre des Arawaks est controversée. Les femmes, en tout cas, auraient survécues, donnant déjà un métissage des cultures (par exemple, la langue arawak est conservée). Ils baptisèrent l’île, Karukera (« l’île aux belles eaux » ou…« l'île de gommier » selon une source !). Ils occupent les lieux jusqu'à la fin du XVIIe siècle.





L’arrivée des premiers européens
Christophe Colomb « découvrit » en premier les îles du nord des caraïbes en 1492 (alors qu’il cherchait à atteindre l’Inde par l’Ouest). Il fit en tout quatre voyages entre l’ancien monde et le nouveau, et c’est lors de son deuxième, en 1493, qu’il « découvrit » la plupart des petites Antilles, dont la Guadeloupe (ainsi nommée en hommage au monastère espagnol Santa-Maria-de-Guadalupe). Cependant, les espagnols ne s’installent pas durablement en Guadeloupe : l’hostilité des Caraïbes, l’absence de métaux précieux et la colonisation de terres beaucoup plus vastes ont fait qu’ils  s’en servaient seulement comme escale, pour se ravitailler en eau et en nourriture sur le chemin des Amériques et d’Hispaniola (c’est-à-dire la « petite Espagne, aujourd’hui Haïti, qui signifie elle-même « pays montagneux » en langue caraïbe). Hispaniola était en effet le point d'appui pour les expéditions exploratrices et colonisatrices espagnoles aux Amériques. Lors de ces arrêts ravitaillements, les registres des navires mentionnent des milliers d’oiseaux braconnés à chaque passage : l’avifaune, si elle n’est pas complètement décimée, subit déjà un sacré coup dur.
L’occupation française, la canne et l’esclavage
Après un siècle et demi d’occupation épisodique, un tournant est pris en 1635 avec l’arrivée des français et le début d’une présence européenne constante. Même si la cohabitation entre les caraïbes et les nouveaux arrivants se passe bien les premières années, rapidement le nombre de conflits s’accumulent. Il est vrai que les français, à cette époque, ne sont pas venus dans les Antilles pour faire du tourisme, mais pour faire des bénéfices par l’intermédiaire de la culture intensive de canne à sucre, avec tout ce que cela implique : l’appropriation du territoire par ces Messieurs de la Compagnie des Isles d’Amérique, le défrichage des terres pour l’implantation des plantations et l’attribution de concessions à des candidats colons ou d’anciens soldats. Cela débouche inévitablement sur un affrontement majeur avec les Caraïbes…qui sont soit exterminés, soit parqués sur l’île de la Dominique et de Saint-Vincent qui leurs sont réservées (traité de 1660).
Marchands d'esclaves. Nicolas de Launay. Source : bibliothèque de Lyon
La deuxième conséquence de la mise en place de la culture intensive de canne est le besoin de main d’œuvre pour la construction des infrastructures (moulins, usines...) et pour les travaux des champs (excessivement pénibles, ne serait-ce qu’à cause des bords des feuilles coupants de la canne). Le tristement célèbre commerce triangulaire est donc mis en place, et les esclaves commencent à débarquer en Guadeloupe. En 1656, ils sont déjà 3000. Ils seront 4 600 en 1671 et 90 000 en 1787…et ces chiffres ne prennent pas en compte ceux qui sont morts lors de leurs captures en Afrique ou durant les conditions abominables de la traversée : nul doute que le pourcentage de « pertes » devait être élevé. Pour avoir une idée un peu plus précise des conditions de vie de ses hommes et de ses femmes, arrachés de force à leur continent et débarqués de l’autre coté de l’océan, il est utile d’étudier le Code Noir. Il s’agit d’un ensemble de textes juridiques réglant la vie des esclaves, mis en place par Louis XIV en 1685. Ce document nous apprend, par exemple, qu’un mois d’absence était puni par les oreilles coupées et une étampe (autrement dit un poinçon) au fer chaud à l’épaule. Une récidive donnait lieu au jarret coupé (la partie derrière le genou) et à une autre étampe. Une troisième fuite, et c’était la peine de mort. En 1743, la peine de mort est remplacée par des travaux à perpétuité, mais la peine du jarret est maintenue pour qui s’évade avec vol. Au XIXème, les mutilations ne sont plus d’usage, mais le fouet est toujours utilisé, et les actes de cruauté et de sadisme continueront jusqu’à l’abolition définitive. Voila qui donne une légère idée du stress et de la peur perpétuelle qui pesait sur les épaules de ces malheureux. Encore une illustration du principe universel selon lequel la terre et le vivant (végétal, animal et humain) doivent être soumis aux demandes du marché.


L’abolition
La Guadeloupe, comme de nombreuses îles des Antilles, a été l’objet de nombreux conflits franco-britannique. Après des tentatives infructueuses en 1666, 1691 et 1703, les Britanniques s'emparent une première fois de la Guadeloupe de 1759 à 1763, puis y réussissent une deuxième fois, très brièvement, en 1794 (profitant des troubles provoqués par la Révolution française). Un commissaire de la République, Victor Hugues, les en chassent la même année, aidé par les esclaves auxquels il avait promis la liberté : ce qui est fait, mais il met en place les lois de la Convention et par conséquent le tribunal révolutionnaire, et réprime fortement une révolte des tout récents « anciens » esclaves qui ne s’étaient pas fait payer…Entre l’esclavage et le travail obligatoire non rémunéré, il faudrait qu’on m’explique la différence ! Force est de constater qu’il ne devait pas y en avoir tant que ça, car en 1802 Bonaparte restaure l’esclavage. Cela provoque une révolte des officiers noirs de l’armée qu’un gouverneur voulait renvoyer : une garnison est envoyée pour mater cette rébellion, mais beaucoup préfèrent se suicider que de se rendre (c’est le cas notamment de Louis Delgès). A noter que Victor Hugues, le « héros » chargé d’apporter la première abolition en Guadeloupe a été chargé, en parfait fonctionnaire obéissant aux ordres, du rétablissement de l’esclavage en Guyane. Encore une preuve de l’absence totale de considérations humanistes dans les prises de décision de cette homme.
Il faut attendre 1848 pour voir enfin arriver l’abolition définitive de l’esclavage, obtenue par Victor Schoelcher. Il a donc fallu encore 54 ans, soit plus de deux générations après la première abolition pour mettre fin à ce crime contre l’humanité.
Pendant ce temps là, les conditions écologiques, comme les conditions humaines, se dégradent fortement durant cette période. Dès le début du XVIIIème, des anomalies sont révélées dans les systèmes de concessions : certaines, ni habitées, ni défrichées, sont acquises dans le but de spéculation (déjà !), d’autres servent à abattre le bois, tandis que les religieux s’arrogent des propriétés qui vont de la mer à la montagne (ce qui était théoriquement interdit). En 1824, un livre fait mention du « désastre général » écologique : la grande richesse faunistique et floristique qui paraissait inépuisable aux premiers missionnaires n’existe déjà plus.
Avec la fin de l’esclavage, le second empire a recours à l’immigration des Congos (6000 en 1852), puis à l’immigration indienne (45 000 en 1854, dont 20 000 meurent à la tâche) qui complètent, avec les commerçants chinois, libanais et syriens de la fin du XIXème, la formidable diversité ethnique de ce petit territoire. Bien que très éloignés, les guadeloupéens ont payé un lourd tribut à la France durant les deux guerres mondiales. La Guadeloupe devient département français en 1946.